vendredi 28 octobre 2011

ESPAGNE : ELDORADO DU TIERS-MONDE... OU LE CONTRAIRE.





En 1996, l'Espagne comptait à peine plus d'un demi-million d'étrangers (542.000 exactement), soit 1,37% de sa population.
Il s'agissait très majoritairement d'Européens du Nord qui coulaient une retraite paisible au soleil.

Au 1er janvier 2011, l'INE (INSEE locale) annonçait que 6.700.000 habitants du royaume étaient nés hors des frontières nationales, soit 14,1% de la population !

Par comparaison, ce taux est de 11% en France, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, 12% en Allemagne et 13% aux USA. La Suède, avec 14%, présente un taux similaire à celui de l'Espagne.

La population étrangère en Espagne a donc été multipliée par 12,4 en seulement 15 ans.

Ce qui choque de prime abord dans le cas espagnol c'est l'afflux absolument massif et extrêmement rapide que ce pays a subi. Un pays alors modeste, traditionnellement terre d'émigration, n'a pas le temps de se découvrir soudainement prospère qu'il se voit aussitôt submergé de toutes parts...

Sur la seule décennie 2001-2011, l'Espagne a accueilli près de 5,5 millions d'étrangers (dont plus de 920,000 pour la seule année 2007). Autant dire que la totalité de la croissance démographique du pays (qui est passé de 40,5 à 46 millions d'habitants) a été due à l'immigration ! Sur cette période, à part les Etats Unis, aucun autre pays au monde n'a absorbé un nombre si élevé d'immigrants.

De nos jours, les étrangers originaires d'Europe occidentale ne constituent plus qu'un cinquième (20%) de ces « Néo-Espagnols ». 36% viennent d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale (par ordre d'importance : Equateur, Colombie, Argentine, Bolivie, Pérou, Brésil, République Dominicaine, Paraguay, Vénézuela etc). Le deuxième contingent le plus important est constitué des 18% d'Européens de l'Est (les Roumains y sont très majoritaires, suivis des Bulgares, Ukrainiens, Polonais, Russes et Lituaniens), devant les Maghrébins (15%, surtout des Marocains). Enfin, 5% proviennent d'Afrique sub-saharienne (Sénégal, Nigeria, Gambie...) et 5% d'Asie (Chine, Pakistan, Inde, Philippines, Bangladesh, Japon). Les 1% restants sont essentiellement constitués de Nord-Américains. En bref : c'est du monde entier que l'on s'est pressé en Espagne  ces dernières années !

Ce véritable « tsunami migratoire » a débuté à la fin des années 1990, impulsé par le grand dynamisme économique que connaissait alors le royaume et par la volonté du très libéral gouvernement de José María Aznar (1996-2004).
Comme partout ailleurs, cette ouverture des frontières à tous les vents visait à organiser une concurrence acharnée sur le marché de l'emploi afin de tirer les salaires à la baisse. Pour que la main d'oeuvre soit bon-marché il faut qu'elle soit nombreuse ! Facile : il suffit d'ouvrir les frontières. Dieu merci, le réservoir de main d'oeuvre est inépuisable dans un monde d'explosion démographique et de pauvreté.
Le mécanisme est aujourd'hui parfaitement connu : rien de plus efficace que la manne migratoire pour briser les revendications salariales des travailleurs locaux et permettre aux riches de devenir super riches.  En cas de résistance populaire et d'interrogations légitimes, la parade est encore plus facile : « Raciiiiistes ! » C'est aussi simple que cela ! Et ça fonctionne à tous les coups.

Les Espagnols subissent avec quelques décennies de décalage ce que les Français endurent depuis longtemps : la division, chaque jour plus insurmontable, entre un peuple de souche abandonné et culpabilisé d'une part, et des masses d'immigrants que leur couleur de peau pare magiquement de toutes les vertus d'autre part. Les deux parties sont également exploitées par une poignée de nantis machiavéliques dont le seul dessein est de se gaver toujours plus sans jamais partager mais... circulez, y'a rien à voir !

Déplacer la lutte des classes sur le terrain artificiel de la « diversité » revient tout simplement à appliquer le vieux précepte du « Diviser pour mieux régner ». Une fragmentation du corps social organisée par le pouvoir dont les pires effets sont à venir... C'est tout bête mais il fallait y penser et, surtout, n'avoir strictement aucun scrupule. Inventer un combat pour « une société multiculturelle » ça ne coûte rien et ça rapporte gros. Pendant que la gauche – aussi bête en Ibérie que chez nous – saute les pieds joints dans le piège grossier du combat-contre-le-racisme-et-la-xénophobie et que les média, à la botte du pouvoir financier qui les possède, relaient massivement une propagande bien orchestrée, le pouvoir d'achat diminue tandis les inégalités et la criminalité explosent.

Il semble si loin le temps de la prospérité... les années 2000 où l'argent facile coulait à flots et où le monde entier n'avait d'yeux que pour « la Californie de l'Europe ». En 2007, le très vénérable "Financial Times" révélait que l'Espagne était la destination favorite des Européens désirant vivre et travailler hors de leur pays d'origine. Des multinationales aux mafias en passant par les touristes et les migrants, tous affluaient vers ce pays où règnent un sentiment de liberté et une permissivité que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Une Espagne hédoniste tout à la fois libre, libérale, libertaire et libertine. Pays de la fête, du plaisir, du soleil et du mariage gay, premier consommateur mondial de cocaïne par habitant. Selon la BCE, en 2008, à l'apogée du « modèle espagnol », le pays concentrait à lui seul le tiers de tous les billets de 500€ en circulation ! Le taux de chômage avait été divisé par 3 et le royaume se hissait au rang de 8e puissance économique mondiale. Le premier ministre espagnol se permettait alors de donner des leçons de gestion budgétaire à son homologue allemand...

L'illusion a vécu. Le modèle était bancal et spéculatif. La croissance à crédit, basée sur l'endettement, n'était pas tenable. Le secteur hypertrophié de la construction et du BTP n'a pas résisté à l'éclatement de la bulle immobilière. La productivité n'a jamais cessé de se dégrader. Les exportations stagnent. Seul le tourisme tient le coup (l'Espagne est la 3e destination touristique au monde, derrière les USA et la France) mais ça n'est pas suffisant. Le rêve tourne au cauchemar et l'Espagne se réveille avec la gueule de bois... et plus de 6 millions d'immigrés sur les bras.

Grâce à leurs « élites », les Espagnols se retrouvent encore plus fauchés aujourd'hui qu'en 1996 malgré 15 années de folle croissance à 3.5% par an... cherchez l'erreur !
En revanche, ils peuvent aujourd'hui, comme leurs frères d'Europe du Nord, s'offrir les joies si modernes de la « diversité » : impossible de profiter de la paix des plages ou des parcs sans être harcelé la journée durant par des hordes de masseuses chinoises piaillant sans relâche « Masa-hé, masa-hé » auxquelles des bandes de Pakistanais viennent prêter main forte à grands coups tonitruants de « Coca-Cola, Fanta, cerveza-beer ! ». Ce concert sans fin donné à l'unisson engendre un brouhaha aigu, aussi agressif qu'épuisant, qui finirait par transformer l'abbé Pierre en Anders Behring Breivik. Envie de fuir ? Pas si vite : vous les retrouverez chargés de tas de canettes et de snacks à la sortie de tous les commerces, cafés, restaurants et boites de nuit auxquels ils opposent sans même se cacher une concurrence déloyale puisque illégale et exemptée de toute taxe... dans l'indifférence totale de la police, trop occupée à traquer les meutes de pickpockets maghrébins détroussant le touriste ou les gangs colombiens qui se partagent le marché de la drogue. Les prostituées (parfois majeures) de l'ex-URSS, elles, se sont fondues dans le paysage rural : un tracteur, une pute, une vache... Attention toutefois, si vous parvenez à échapper in-extremis à cette faune bigarrée, de ne pas trébucher sur un des innombrables étals sauvages d'accessoires de contrefaçon tenus par des Africains clandestins... à moins que la chute se produise sur une pouponnière de tsiganes roumains improvisée à même le trottoir. Le bonheur du « vivre ensemble » probablement.

Peu importe que beaucoup d'Espagnols, déboussolés, confessent du bout des lèvres ne pas reconnaître leur pays et se sentir étrangers chez eux. Comme partout ailleurs en Europe, l'establishment politique, les média, le milieu associatif, l'éducation nationale et le système judiciaire sont là pour les rappeler à l'ordre : "Vous devriez avoir honte, bande de sales beaufs racistes et xénophobes !" Et le tour est joué. On se tait ou c'est l'exclusion sociale. 

Pourquoi les sujets de sa très gracieuse majesté Juan Carlos de Borbón y Borbón se plaindraient-ils ? Désormais, ils ont eux aussi un super-pays-cosmopolite-et-multiculturel, ruiné certes, mais un Etat occidental moderne, de première division. On ne cesse de leur répéter. Pour preuve : Barcelone peut s'enorgueillir d'être devenue la 2e ville au monde pour le nombre de ses gangs latinos (réputés pour leur extrême violence), uniquement supplantée par Los Angeles. Mais devant Miami... La classe, quoi !

Pauvre Espagne qui n'a pas eu le temps de se croire riche qu'elle se retrouve déjà à nouveau pauvre... et si peu espagnole.




Photo : Une embarcation de migrants africains vient de s'échouer sur une plage des îles Canaries (Espagne).

vendredi 8 juillet 2011

ANARCHO-TYRANNIE ou l'insécurité comme instrument de contrôle social.

Petit résumé synthétique pour ceux qui veulent comprendre pourquoi la police a l'ordre de harceler l'honnête citoyen qui va travailler par ce qu'il a un pneu lisse... et de baisser les yeux devant les hordes de racailles qui agressent, pillent, tuent, trafiquent, incendient, violent et détruisent sans même se cacher !


En 1992, Samuel Todd Francis, un historien et journaliste américain, introduit le concept d’anarcho-tyrannie dans le vocabulaire politique et le définit de la façon suivante : «Nous refusons de contrôler les véritables criminels — volet anarchique — et nous nous rabattons sur les innocents — volet tyrannique.»

Les lois censées protéger les citoyens contre les criminels ne sont souvent pas appliquées, même si l’état est parfaitement en mesure de le faire.

L’état instaure progressivement tyrannnie et oppression par l’application de lois telles que :
  • la criminalisation de ceux qui respectent la loi,
  • l’imposition (fiscale) exorbitante,
  • une réglementation bureaucratique,
  • le viol de la vie privée,
  • le sabotage d’institutions sociales, telles que la famille ou les écoles de proximité,
  • l’imposition du contrôle des esprits par le truchement de la formation à la sensibilité” et la rivalité multiculturelle,
  • la création de lois telles que l’incitation à la haine ou contre la détention d’armes à feu, le désarmement des citoyens qui sont par ailleurs respectueux des règles (des lois qui n’ont en revanche aucun impact sur les criminels violents qui obtiennent des armes de manière illégale).

Samuel Francis avance que cette situation concerne l’ensemble des Etats-Unis et l’Europe.
Alors que le gouvernement fonctionne normalement, le crime violent fait de plus en plus partie du « paysage », produisant un climat de peur (anarchie).

Samuel Francis complète en indiquant que "les lois qui sont censées protéger les citoyens ordinaires contre les criminels ordinaires ne sont souvent pas appliquées, même si l’état est parfaitement en mesure de le faire".

Tandis que les criminels et autres délinquants continuent leurs ravages, les instances dirigeantes concentrent leur attention sur les citoyens respectueux des lois. 

Les lois qui sont au final appliquées sont celles :
  • qui étendent ou amplifient le pouvoir des alliés de l'Etat et des élites internes,
  • qui punissent les éléments récalcitrants et désignés comme pathologiques (tous ceux qui s’obstinent à se comporter en fonction des normes traditionnelles).

    En résumé, tous ceux qui :
  • rechignent à payer toujours plus de taxes et d’impôts,
  • refusent de confier leurs enfants à l’école publique (l'éducation nationale) et à sa manipulation,
  • possèdent ou conservent des armes à feu,
  • déploient le drapeau de leur pays,
  • mettent une fessée à leurs enfants,
  • décorent des sapins de Noël,
  • citent la loi (le Code pénal),
  • n’aiment pas attacher leur ceinture etc...


Les instances dirigeantes concentrent leur répression sur les citoyens respectueux des lois, sans parler des personnalités politiques dissidentes qui se présentent aux élections et s’efforcent d’agir contre l’immigration de masse en provenance du tiers monde.

Samuel Francis développe l’idée selon laquelle l’anarcho-tyrannie est intrinsèquement liée au système en vigueur et ne peut être éliminée en combattant simplement la corruption ou en votant contre les élus en poste.

Selon lui, le système produit un “conservatisme” factice, qui encourage les gens à rester passifs. 
Il en conclue qu'une situation juste et saine ne peut être rétablie qu'en rendant le pouvoir aux citoyens respectueux des lois.




« Insécurité et contrôle des masses. »

Il faut revenir sur quelques idées reçues : tout d’abord le crime paie, la délinquance est rentable, et c’est même l’une des grandes industries mondiales.

Crime et délinquance sont rentables :

- pour le délinquant, particulièrement lorsque celui ci jouit d’une certaine impunité (que l’on pense au trafic de portables qui n’est même plus réprimé et devenu si banal qu’il est désormais classé dans les incivilités).

- pour la société (ce qui est dérobé, fracturé, détruit doit être remplacé) car il génère une activité de contre-mesures ( sociétés de sécurité, compagnies d’Assurances, enrichissement du délinquant qui va généralement dépenser son gain illicite dans des produits à forte valeur ajouté ).

- et surtout pour l’Etat qui, certes, ne prélève pas directement sa dîme sur les trafics mais bénéficie de la circulation financière induite et utilise le bruit de fond de l’insécurité comme instrument de contrôle de la population, en la confortant dans sa dépendance envers les organes supposés la protéger ou, à l’opposé, dans le maintien machiavélique de ses administré dans la peur, la résignation et l’individualisme.

L’Etat est un instrument du système, sa fonction n’est pas (n’est plus) d’améliorer le sort des populations mais d’optimiser la traite du « parc à bestiaux ».

Les organes de répression, police, gendarmerie, justice, fisc, douanes, etc… sont une interface entre l’Etat et les masses, qui interagit sur deux plans : les organes répressifs doivent être craints du peuple, et, simultanément, ils doivent craindre l’Etat.
Il est capital que la police ne soit pas aimée du peuple : elle pourrait s’en rapprocher, fomenter avec lui une révolte contre un système que tous savent injuste. De même, il est vital que la police déteste la population et en soit coupée. L’affrontement doit donc être organisé entre les deux, mais jusqu’à un certain point, variable, pour que la mécanique ne s’emballe pas (…). Pour ce faire, l’Etat dispose de plusieurs curseurs, et emmerder préférentiellement les gens ordinaires tout en laissant tranquilles les pires loubards, au vu et su de tous, c’est le B.A.-BA de la méthode.

Un automobiliste qui se fait verbaliser à un feu rouge pour défaut de port de ceinture, ou dont le véhicule subit une inspection chirurgicale, tandis qu’à 100 mètres de là, on deale de l’héroïne en pleine rue, va évidemment voir sa tension monter. Si en outre le gars laisse échapper, dans un accès bien légitime de contestation, un «vous feriez mieux de vous occuper des dealers» entraînant ainsi la conversation qu’il ne faut jamais avoir — et qui se solde toujours par un constat d’outrage —, alors tout va pour le mieux.
En effet l’administré est furieux, il déteste les flics, il en a peur, il est humilié, et en même temps les flics sont entretenus dans l’agressivité nécessaire à leur bon usage. C’est en quelque sorte du dressage : le mouton est bien rangé et le chien de berger en pleine forme.
Cette tension sociale accumulée, bien entendu, pèse surtout sur le flic, qui est un être humain après tout, et qui se rend bien compte qu’il n’a pas le bon rôle. Elle contribue à l’affaiblir psychiquement, en plus de toutes les formes de violence et de dysfonctionnement sociaux qu’il est appelé à côtoyer, et de l’absence de soutien de sa hiérarchie, elle-même entretenue dans le froid calcul de ses plans de carrière. Quelle que soit la façon dont il gère cette situation (sauf  par la démission) c’est tout bénéfice pour l’Etat. Le flic, affaibli, hargneux, sera facilement infantilisé, dépendant, atomisé et manipulable. L’Etat voit son travail paternaliste facilité.

La méthode est particulièrement au point dans la Gendarmerie, où le contrôle des individus est constant. Epuisé, en sous-effectif, victime d’une hiérarchie autiste, mal payé, souvent en situation dangereuse, constamment en collectivité, impliqué dans des rivalités de cohabitation où épouse et famille sont instrumentalisés, le Gendarme est découragé de toute revendication, dépendant du groupe, à la merci d’une récompense ou d’une sanction, et entrainé dans une solidarité de corps où la réflexion autonome doit tendre vers zéro.

Ces méthodes de contrôle des individus sont vieilles comme le monde. Il s’agit ni plus ni moins de celles employées dans les armées pour briser l’individualité et créer un outil unifié. Ce sont aussi les méthodes des sectes.

Quant à la population ordinaire, il est bon qu’elle craigne les organes de répression, comme il est bon qu’elle tremble devant le crime et la délinquance. Ainsi elle est demandeuse d’Etat, mais ne verra jamais son besoin de sécurité satisfait. Pourquoi la rassasier ? Elle ne serait plus cliente…

Il suffira à chaque élection de lui promettre que, cette fois-ci, on a compris, puis, une fois élu, de lui servir des statistiques imaginaires. Si, malgré tout, le bordel réel est tel qu’elle (la population) ressent une légère dissonance cognitive, la propagande est là pour lui assurer qu’elle exagère. Et que tout est en ordre.

Si vraiment la réalité ne peut plus être cachée, on lui fera comprendre localement qu’elle est seule, que si elle se défend, elle sera lourdement sanctionnée. Dès lors, résignée, en exil intérieur, elle se pliera globalement. Le reste relève du contrôle politique, de l’absence organisée d’une offre alternative, et du contrôle psychiatrique, par les psychotropes médicaux ou commerciaux — alcool, drogues « illégales». Et la machine continue de tourner, le système de générer des bénéfices, et l’hyperclasse qui la contrôle de s’enrichir au dépend des individus.


«L’insécurité est un instrument efficace

de contrôle social»


Interview d'Éric Werner.
M. Werner est un philosophe suisse, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, docteur ès Lettres et ancien professeur de philosophie politique à l’université de Genève. Il a écrit plusieurs essais sur le système politique contemporain et la religion.

« On croit volontiers que l’insécurité est toujours et nécessairement en elle-même une calamité. Mais c’est là une vue par trop étroite du problème.
En réalité, elle joue un rôle important dans le maintien de la stabilité du système. Elle concourt utilement par exemple à démoraliser les populations, et par là même aussi à les convaincre de la vanité qu’il y aurait à vouloir s’opposer au «sens de l’histoire» (tel que le définissent les autorités).

On pourrait dire aussi qu’elle a une fonction rééducative. Elle achève de réduire les individus à l’impuissance et de les mettre dans l’incapacité de rien entreprendre contre la nomenklatura en place. Bref, c’est un instrument efficace de contrôle social.
On lui est redevable de soustraire les autorités aux désagréments liés à une hypothétique et toujours aléatoire contestation venue de la base.
On comprend dès lors le soin tout particulier qu’elles mettent à la laisser se développer comme elle le fait. Elles ne disent naturellement pas qu’elles sont pour l’insécurité (non quand même), mais elles ne s’emploient pas moins à la favoriser discrètement.
L’insécurité a parallèlement encore une autre fonction pédagogique: celle d’habituer progressivement les populations à l’absence de droit.
La croyance en l’existence du droit n’a en effet de sens que dans un Etat de droit. Dans un Etat qui n’ est pas de droit ou l’est de moins en moins, parce que les autorités elles-mêmes en prennent de plus en plus à leur aise avec le droit (quand elles n’en viennent pas purement et simplement, comme c’est souvent le cas, à se mettre au-dessus du droit), une telle croyance perd évidemment toute raison d’être. A la limite même, elle pourrait passer pour subversive.»
Eric Werner – De l’extermination, Editions Thael – 1993. 


http://www.dailymotion.com/video/x5cng1_eric-werner-ne-vous-approchez-pas-d_news

mercredi 22 juin 2011

"Avec mon infinie compassion..."





Il est des œuvres que l'on sera toujours frustré, jaloux, de ne pas avoir créées soi-même tellement elles nous définissent. «Unfinished sympathy», le morceau phare du groupe britannique Massive Attack, est de celles-là.
De celles qui vous font dire, sans la moindre hésitation : «Si j'étais une chanson, je serais celle-là !»

La critique et le public ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : un sondage effectué auprès des téléspectateurs de la chaîne musicale internationale MTV2 l'a sacré «Meilleure chanson de tous les temps» ; en Angleterre, les magasines musicaux cultes The face et Melody maker lui ont consacré le titre de «Meilleur morceau de l'année» tandis que l'espagnol Rockdelux l'a décrétée «Meilleure chanson de la décennie 1990». Le palmarès est long et je m'arrêterai là...

Lorsqu'il sort son album Blue Lines, en 1991, le groupe de Bristol vient d'inventer le mouvement Trip-Hop sans le savoir. Il s'imposera comme l'un des courants musicaux majeurs de la dernière décennie du millénaire.
Françoise Sagan disait du jazz que c'est «de l'insouciance accélérée». On pourrait dire du trip-hop que c'est de la mélancolie rythmée.

Unfinished sympathy réussi cet exploit de vous donner envie de bouger et de pleurer à la fois. Un pied qui bat la cadence ou les doigts qui claquent tandis qu'une douce langueur vous envahit.
Il s'agit d'un morceau d'une richesse et d'un lyrisme peu communs, auxquels rien à priori ne nous prépare. Une superposition subtile de gimmicks électro et de violons, de basses et de hip-hop, le tout drapé dans un voile sonore aussi triste que profond, lancinant comme une plaie. Une osmose quintessencielle du classique et du moderne qui prouve, pour ceux qui en doutaient, que la mélancolie est intemporelle.

La chanson parle de la peur d'aimer quand on en a déjà trop souffert. De cet irrésistible appel de l'amour auquel on voudrait résister parce que cela finira forcément mal et que l'on devra encore une fois se relever de ses ruines. «How can you have a day without a night ?»

J'avais 16 ans lorsque j'ai vu le vidéo-clip pour la première fois. Je vous laisse imaginer la résonance qu'a pu avoir un si gros chagrin musical dans la poitrine de l'adolescent suicidaire que j'étais. La mélodie ne me quittait plus. Elle affluait et refluait sans cesse dans ma tête, telles les vagues d'un océan de tristesse dont l'écume vous ramolli le cœur.

J'ai du revoir ce clip une bonne centaine de fois depuis lors. Je ne me lasserai jamais du morceau ni du clip parce qu'ils sont des chefs d'oeuvre et qu'on ne se lasse pas d'un chef d'oeuvre. Il vous accompagne toute la vie durant, vous nourrit, vous éduque, vous structure, vous soutient.

La vidéo a été tournée en janvier 1991 dans le centre de Los Angeles, sur West Pico boulevard, entre S. New Hampshire Avenue et Dewey Avenue. Je connais ce parcours par cœur. Des années plus tard, lors d'un long séjour en Californie, je l'ai repéré et l'ai arpenté seul. Ce fut pour moi un grand moment, la réalisation jouissive d'un vieux fantasme.

Un environnement urbain menaçant et glauque sous le soleil californien. Shara Nelson, un jeune femme noire, marche dans la rue, pas vraiment jolie, habillée comme sac poubelle et surmontée d'une coiffure improbable. Puis elle ouvre la bouche. Et c'est l'extase. Le chant du cygne, le dernier avant la mort. On la suit dans ce Los Angeles sale et miteux du début des années 90. Le désespoir semble suinter des façades lépreuses.

C'est ici l'Amérique d'avant internet et la révolution des «Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication», l'Amérique d'avant Clinton et la croissance euphorique.
C'est encore celle du chômage et de la récession, de la criminalité à son apogée, l'Amérique qui s'engage dans la piteuse première guerre du Golfe et dont l'arrogant premier ministre japonais disait alors: «Les Etats-Unis sont foutus !»

Sur son chemin, tout ce que cet Empire déliquescent peut compter de perdus, de loosers, de racailles et leurs victimes : bandes violentes, ouvriers latinos, handicapés, obèses, indigents, petits commerçants, retraités, bimbos. Un lumpenproletariat multi-ethnique caractéristique de son époque. Les rues sont taguées, jonchées de détritus, les bâtiments dépenaillés, les devantures évoquent plus l'Union soviétique que la Côte ouest.

Notre diva du ghetto ne se laisse pas distraire pour autant par cette cour des miracles en technicolor : tel un navire à la dérive, elle divague, portée par les flots de son mal être et continue à déverser sa souffrance dans ces rues déjà tant accablées. Pleurer sous le soleil, n'est-ce pas le véritable désespoir ? 

Car s'il est bien un thème auquel ce morceau rend hommage et évoque avec une acuité rarement atteinte c'est le mal de vivre. Et Shara Nelson excelle en Barbara de fin de siècle que l'on aime à regarder jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'elle disparaisse totalement du champ de la caméra, en tournant à gauche, quelques secondes avant la fin du clip.

En 1991, le très jeune garçon que j'étais ne comprenait pas pourquoi il était tant subjugué par cette chanson. Jusqu'à l'obsession. Aujourd'hui, l'adulte qu'il est devenu le sait clairement, lui. Et lui répond : «Parce que cette mélodie, c'était exactement ce que tu avais en toi. Aucune autre n'avait si bien réussi à donner forme et à retranscrire ce tourment intérieur qui te faisait chanceler. Tu l'avais reconnue, de manière intuitive, cette étouffante mélancolie, ce mal de vivre qui te torturait. Tu te demandais toujours s'il fallait continuer à vivre ou pas, mais tu n'étais plus vraiment seul au monde. N'est-ce pas ?»

« Unfinished sympathy », vous l'aurez compris : c'est moi.
Avec mon infinie compassion...